Lydia Fil'Kaï

L’épée heurta le sol avec un bruit mat.
- Encore ! réclama Ilyas.
Son élève se saisit fermement de son sabre d’entrainement et bondit lestement pour se redresser, s’appuyant sur ses jambes protégées par des bottes de cuir lacées montant jusqu’à ses genoux. Ses pieds étaient un peu plus grands que ce que l’on aurait pu attendre chez une jeune femme qui, sans être petite, n’était pas bien grande, mais le maitre savait que cela favorisait son équilibre. Elle lança immédiatement une attaque. Son épée se mouvait comme une extension de son bras, mais son maitre l’évita sans mal. Elle était plutôt rapide, mais pas encore assez rapide pour un expert. La riposte d’une grande précision causa un léger accroc sur son pantalon de toile écrue, pourtant assez rigide, mais ne la blessa pas.

- Ta garde, Lydia ! Ta garde !
Lydia repris position, adoptant la garde que son maitre lui avait enseignée. Elle fléchit ses jambes fines, inclina juste ce qu’il fallait son buste protégé par un corset de cuir qui soulignait sa taille fine, plaça son épée en quarte et leva le bras opposé pour s’équilibrer, avec la légèreté d’une danseuse. Elle évita la prochaine attaque de son maitre en pivotant avec grâce, laissant sa lame glisser le long du brassard de cuir ouvragé qui couvrait le dos de sa main remontait le long de son avant-bras. La lame évita de justesse sa chemise blanche, dont la manche longue bouffait au-dessus du brassard. Elle acheva sa pirouette par une nouvelle frappe, droit vers la clavicule de son maitre, pensant avoir trouvé une ouverture.

Mais elle n’avait pas réalisé que l’attaque d’Ilyas était une feinte, et encaissa un puissant coup d’estoc qui la projeta au sol. Le maitre rengaina son épée et saisit la main fine et délicate de Lydia pour l’aider à se relever. Malgré sa carrure peu robuste et sa musculature peu développée, il était heureux de constater que la poigne de Lydia s’affermissait et que son endurance avait considérablement progressé. Elle travaillait dur et ses efforts payaient.

La jeune femme retira alors son masque, libérant une cascade de boucles d’un brun chaud aux reflets roux, d’une couleur qui évoquait l’automne. Ils tombaient jusqu’au creux de ses reins, révélant l’éclat de ses yeux en amande d’un vert profond et vibrant, rendus étincelants par l’effort. Sa peau hâlée était luisante de sueur, ses joues rosies et son souffle court, ses cheveux emmêlés.

Son apparence contrastait avec l’allure qu’elle avait eu le matin même, lors de leur leçon de danse, dans une robe de soie verte complimentant à merveille sa silhouette - même si elle leur préférait parfois des pantalons pour leur côté pratique, Ilyas savait que Lydia était friande de jolies robes flottantes, de coiffures complexes et de bijoux scintillants. Ses cheveux étaient alors élégamment tirés en un sublime amas de tresses qui dégageait son visage aux traits harmonieux, rendus presque altiers par ses pommettes hautes, son nez délicatement retroussé et sa nuque gracile, ornée d’un mystérieux médaillon d’or et d’émeraude que Lydia avait hérité de sa mère, la sublime Lyrena Fil’Kaï, qu’Ilyas avait connue dans sa jeunesse sous le nom de Lyrena Illendris, la plus belle fille du quartier des navigateurs…

Le Maitre soupira, puis secoua la tête, s’arrachant à sa rêverie. Les souvenirs étaient mieux laissés dans le passé. Il se tourna vers son élève pour lui faire part de ses observations, mais Lydia avait déjà filé pour vaquer à ses explorations.

Lydia s’étira, appréciant le soleil du matin, dont la douce lueur illuminait déjà sa chambre, et s’assit sur son lit. Elle avait bien trop à voir et à découvrir pour prendre le temps de flemmarder. En voyant entrer Martha, la bonne, qui arrivait avec son petit déjeuner, elle eut un grand sourire.
- Bonjour, Martha ! Comment vas-tu ? Et ton fils, il va mieux ? demanda-t-elle avec franchise.
- Oui, Mademoiselle Lydia, Gus est guéri, merci beaucoup. Répondit Martha en souriant.
Tout le personnel de la famille Fil’Kaï appréciait Lydia, qui faisait preuve du même respect qu’elle s’adresse à un noble, à une domestique ou à un mendiant. Elle avait toujours un mot gentil pour eux, toujours une petite attention, et se rappelait les noms de chacun dans la maisonnée – ses grands-parents ne pouvaient pas en dire autant.

Lydia dégagea prestement son bureau, car elle s’était couchée en le laissant chargé de livres et de tout un tas de bric-à-brac. Elle ne laissait jamais cette tâche à Martha si ses bras étaient chargés d’un lourd plateau. La servante posa alors devant elle du lait de siffleur, du jus de rougeoyeur, un pain d’herbe tranché encore chaud, arrivant tout droit des fours de la maison, et les fromages et confitures préférés de la jeune femme, qui la remercia chaleureusement avant d’engloutir son petit-déjeuner avec appétit.


Lydia prit quelques instants pour étudier dans le miroir le résultat du travail acharné de Martha. Ses cheveux étaient épinglés en un chignon lisse, élégant et austère. Son maquillage faisait ressortir ses pommettes et mettait en valeur ses yeux. Sa robe couleur crème était faite d’un tissu soyeux et rigide, à la taille marquée par un corset étroit. Elle était magnifique. Elle étouffait. Par-delà l’inconfort physique de cette tenue dans laquelle elle parvenait à peine à respirer, encore moins à se mouvoir, elle ne supportait pas la façon dont sa grand-mère cherchait sans cesse à lui imposer, non seulement une apparence, mais surtout une façon d’être, lisse et sans personnalité.

- Tu es parfaite. Complimenta justement sa grand-mère, qui venait d’entrer. Juste une dernière petite chose. Ton médaillon.
- Il est très bien, mon médaillon ! Protesta Lydia.
- Il est très élégant, mais il ne va pas du tout avec cette robe, c’est affreux. Je t’ai préparé des perles. Renchérit la matriarche en posant sur la coiffeuse un écrin contenant trois rangées de perles de l’Océan du Sud, passées sur un fil d’argent fin comme un cheveu.
- Non. S’obstina Lydia. Je n’enlève pas mon médaillon.
- Allons, ma chérie, ne fais pas l’enfant. Insista sa grand-mère sur un ton doux, presque sirupeux, mais ferme. Nous faisons cette fête pour célébrer ton entrée à l’Académie d’Al-Chen. Tous les regards seront donc rivés sur toi. Tu ne peux pas te permettre d’arriver avec des bijoux dépareillés.
Lydia soutint un moment le regard de sa grand-mère, puis soupira et retira son médaillon. Sa grand-mère lui passa les perles au cou.
- Voilà, c’est quand même bien mieux. Ce n’était pas si compliqué. Maintenant, nous devons parler de la soirée.
Sa grand-mère fut alors interrompue par le majordome, qui désirait discuter des placements. Dès qu’elle se fut retournée, Lydia en profita pour reprendre le médaillon sur la coiffeuse et le glisser subrepticement dans son décolleté, contre son cœur. Quoi qu’en dise sa grand-mère, elle le garderait avec elle.

Elle savait déjà autour de quoi la conversation allait tourner. Lydia, nous ne vivrons pas éternellement. Lydia, il faut penser à te trouver un bon parti. Lydia, jolie comme tu es, tu dois avoir de l’ambition ! Lydia, Machin Gil’Trucmuche sera là, ce soir. C’est un bon parti, je compte sur toi pour attirer son attention ! la singea-t-elle mentalement.
Mais Lydia n’avait aucune envie de se trouver un époux ! Elle ne voulait pas d’un homme qui pourrait contrôler sa vie comme le faisaient ses grands-parents. A seize ans, elle n’avait d’ailleurs aucun intérêt pour les garçons – quelques années plus tard, cela allait changer, mais son désir d’indépendance ne serait quant à lui que plus fort encore. Elle savait déjà que cette soirée se passerait comme toutes les autres. Une révérence par-ci, deux-trois échanges de banalités par-là, quelques danses avec des hommes qui iraient du benêt au rustre, et surtout un ennui mortel et un grand sentiment de vide. Était-ce vraiment tout ce que la vie avait à lui proposer ? Elle ne l’accepterait pas. Sa plus grande crainte était de vivre sa vie prise au piège de la routine, sans jamais pouvoir faire ses propres choix. Elle voulait être libre. Sa grand-mère revint pourtant à ce moment-là et l’entraina à la fête sans qu’elle puisse rien y faire.

La soirée se passa exactement comme elle l’avait prévue, jusqu’au moment où Lydia décida qu’elle en avait assez. Elle demanda alors à son cavalier, qui faisait partie des benêts, de bien vouloir lui chercher quelque chose à boire, et en profita pour s’éclipser. Elle fit savoir à Martha qu’elle avait mal à la tête et se retirait dans ses appartements pour se reposer. Elle retira ensuite sa robe rigide et son corset, qu’elle disposa dans son lit pour faire croire qu’elle y dormait, et plaça Didou, le Chuchoteur en peluche géant de son enfance, à l’endroit où sa tête aurait dû se trouver. Elle enfila une pantalon de cuir noir et une tunique de lin noir flottante, sortit de son placard une corde composée de vieux draps et rideaux et la tendit par la fenêtre. Elle descendit alors jusqu’au toit de l’écurie, sur lequel elle marcha jusqu’au muret. Elle entendit hennir doucement Embrun, son cheval qui, comme à son habitude, avait dû reconnaitre son pas. Elle se laissa glisser doucement le long de la gouttière jusqu’à la rue.

Elle s’éloigna des Hauts-Quartiers et se dirigea vers le quartier des navigateurs, d’où émanait de la musique. Visiblement, il s’y tenait une fête, et ça, c’était son genre de fête. Elle irait sans doute en profiter un peu pour danser et se détendre – peut-être croiserait-elle quelques vieux amis. Ensuite, elle repartirait, et irait là où le vent la porterait, explorer et découvrir la ville. Elle prit une grande bouffée de l’air de la nuit, qui sentait les eaux du lac et la liberté.


J’ai renoncé à la description dynamique pour cette partie, car d’une part le caractère devient long et d’autre part, je n’étais pas certaine que ce soit très intéressant.
Lydia est aussi bourrée de curiosité, elle aime apprendre de nouvelles choses et a donc de grandes connaissances (relativement à son âge), favorisées par son excellente mémoire. Elle est très créative et adore inventer des solutions et des plans, notamment pour faire le mur. Elle adore le dessin et est relativement douée (sa Créativité est hors du commun, sa Volonté est forte, mais son Pouvoir n’est pas au même niveau que ses compétences, ce qui fait que son don est décent mais pas exceptionnel).
Ses professeurs ne sont cependant pas toujours pleinement conscients de son intelligence, car elle a tendance à être paresseuse dans le domaine scolaire, tout particulièrement pour les choses qui ne la passionnent pas.

La Famille Fil’Kaï
Famille noble très reconnue à Al-Chen. On raconte qu’ils dirigeaient la ville d’Al-Chen à l’époque de Merwyn. Est-ce vrai, ou est-ce une rumeur lancée par la famille elle-même ? A vous d’en juger.

Automne 147 (11ème jour) - Naissance à Al-Chen
- Père : Valyrion Fil’Kaï (né en 124), héritier de la famille Fil’Kaï. Une sœur cadette, mariée à Al-Jeit.
- Mère : Lyrena Fil’Kaï, née Illendris (en 129). Fille d’une Navigatrice avec un lointain ancêtre Faël et d’un marchand décédé lorsque Lyrena avait 15 ans. (Lydia n’a pas hérité du don spécifique des Navigateurs.) Dire qu’elle était la « plus belle fille du quartier des navigateurs » est extrêmement subjectif (ce sont les mots d’un maitre d’arme et de danse nommé Ilyas, pas les miens), mais elle était inconstestablement jolie, ou elle n’aurait jamais attiré l’attention de Valyrion.
- Valyrion était très amoureux. Certains pensait que Lyrena avait la maladie d’amour, d’autres (comme les parents de Valyrion ainsi que de nombreuses jeunes fill de la noblesse) pensaient qu’elle l’avait séduit pour son argent, et certains pensaient au contraire qu’elle avait été contrainte de l’épouser. Lyrena ne s’est jamais posé la question, elle pense que ses parents s’aimaient. Elle possède un médaillon d’or et d’émeraude offert par son père à sa mère, qu’elle considère comme le symbole de leur amour. Il semble s’ouvrir mais elle n’a jamais réussi à le déverrouiller.
- Fille unique, ses parents la choyaient et lui laissaient avoir et faire absolument tout ce qu’elle voulait (à l’exception d’un ourson élastique, qu’elle a demandé pour ses trois ans et auquel sa mère a mis le holà).

Printemps 155 - Décès de ses parents
- Lydia ignore tout de la mort de ses parents puisque ses grands-parents ont catégoriquement refusé de lui répondre. Elle sait juste qu’ils l’ont confiée à ses grands-parents le temps d’un séjour à Al-Jeit, qu’ils n’en sont jamais revenus, que ses grands-parents lui ont annoncé leur mort et qu’elle est restée vivre chez eux.
- C’est donc dans la maison de ses grands-parents qu’elle a grandi, entourée de précepteurs stricts et ennuyeux (sauf Ilyas, le maitre d’armes et de danse, son instructeur préféré) et étouffée d’innombrables règles.
- En dehors de ses leçons, pendant longtemps on ne faisait pas trop attention à elle. Elle se sauvait donc sans cesse, de toutes les façons possibles, et explorait la ville, rencontrant des enfants de tous les horizons sauf du sien : des voyageurs, des navigateurs, des enfants des quartiers pauvres, des enfants d’ouvriers, etc. Elle aimait tout particulièrement écouter les histoires de ceux qui arrivaient de loin et avaient visité de nombreuses terres exotiques, vu des paysages inconnus et mystérieux. Elle rêvait de voyager elle aussi, par la terre, par la mer, par le ciel, qui sait. Tout pour sortir de cette vie étouffante et voir le monde.
- Elle faisait si peu attention quant elle jouait qu’elle se salissait et déchirait souvent ses habits (au grand dam de ses grands-parents), la plupart des enfants ne réalisaient pas qu’ils n’étaient pas du même « monde » social.
- L’un d’eux pourtant, Rylian, qui avait un an de plus qu’elle, était très observateur et voyait bien la qualité des tissus malgré leur état. Il faisait en général semblant de ne rien remarquer mais lâchait parfois un « princesse » par moquerie. Rylian était très doué pour faire les poches des gens et partageait ses rêves de liberté. C’est cela qui les rapprocha jusqu’à faire de lui son meilleur ami pendant de longues années.
- Plus elle grandit, plus sortir en ville devient dur, mais elle s’adapte et en trouve toujours le moyen.

Hiver 163 – Lydia fait son premier dessin
Printemps 165 – Disparition de Rylian
- Rylian a mystérieusement disparu du jour au lendemain. Elle l’a cherché partout, s’est renseignée autour d’elle, mais il s’était volatilisé sans laisser de traces. Trois ans plus tard, elle ne l’a toujours pas revu. Elle se demande régulièrement s’il lui est arrivé quelque chose, ou si au contraire il a décidé de partir à l’aventure sans elle.

Eté 165 – Ses grands-parents la font analyser et elle est admise à l’Académie d’Al-Chen
Automne 165 – Entrée à l’Académie d’Al-Chen
- Lydia s’épanouit à l’Académie et trouve dans l’Imagination une véritable échappatoire. Les cours théoriques l’ennuient beaucoup mais elle s’applique et travaille dur. Sa créativité est puissante.
- Pourtant elle continue toujours ses excursions en ville, principalement la nuit.
- Elle vit toujours chez ses grands-parents.

Printemps 168 – Maintenant
- A la rentrée d’Automne prochain, elle devra se spécialiser.
- Un bon nombre de ses professeurs ont identifié son potentiel et envisagent de l’envoyer à Al-Jeit pour s’y spécialiser. Elle hésite : ce voyage l’attire mais elle a aussi peur qu’il l’enferme dans un rôle et devienne son dernier.
- Elle envisage de se spécialiser soit en étude des Spires, soit en dessin appliqué.